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Apprendre


Publié dans notre magazine n°138 - mars & avril 2020

Politique
par Caroline Sägesser du CRISP

Changement d’heure :
la der des der ?

Le dimanche 29 mars, avançant nos montres d’une heure, nous passerons à l’heure d’été. En Belgique, comme dans le reste de l’Union européenne. Cela sera-t-il le dernier changement d’heure ? En 2018, la Commission européenne a décidé de mettre fin à cette pratique. Toutefois, elle laisse aux Etats membres le soin de choisir l’heure permanente qu’ils souhaitent adopter…


Celles et ceux qui ont plus de 50 ans se rappellent aujourd’hui le temps où l’heure ne changeait pas : c’est en 1977 que, suite aux chocs pétroliers, on a instauré l’heure d’été en Belgique. Dorénavant, le pays, qui était depuis 1946 à l’heure GMT +1, passerait à GMT +2 au printemps, offrant une heure de clarté supplémentaire le soir. Ce n’était pas la première fois ; suivant un usage introduit par l’occupant allemand durant la Première Guerre mondiale, le pays avait déjà connu une heure différente entre l’hiver et l’été entre 1916 et 1946.

Alors que beaucoup d’entre nous vivent ce changement bisannuel de l’heure sans en souffrir – et parfois même sans le remarquer, depuis que nombre de nos horloges se mettent à l’heure automatiquement – nombreux sont également ceux qui continuent à le subir comme une contrainte inutile et se plaignent d’effets délétères sur leur santé ou sur celle de leurs enfants ou animaux. Les agriculteurs sont particulièrement concernés.

Une consultation peu représentative
Le concert des plaintes est arrivé à l’oreille des institutions européennes. En février 2018, une résolution du Parlement européen a demandé à la Commission, présidée alors par Jean-Claude Juncker, d’organiser une évaluation de la législation existante. Le changement d’heure dans les pays membres de l’Union européenne est en effet coordonné depuis 2000 par une directive qui impose le passage à l’heure d’été le dernier dimanche de mars et le retour à l’heure d’hiver le dernier dimanche d’octobre. Estimant que la pertinence du maintien du système de changement bisannuel de l’heure ne faisait plus l’objet d’un consensus au sein des Etats membres, et qu’elle était remise en cause par différents acteurs, la Commission a organisé une consultation publique par internet, du 4 juillet au 16 août 2018. La consultation a généré 4,6 millions de réponses, soit la participation la plus large qu’une consultation organisée par la Commission ait jamais suscitée. Et elle a livré une majorité écrasante en faveur de l’abolition du changement d’heure : 84 %. Les répondants optaient à une courte majorité (56 %) pour l’heure d’été. Toutefois, une analyse des résultats indique que 70 % des réponses provenaient d’un seul pays : l’Allemagne. Seules la France (8,6 %) et l’Autriche (6 %) avaient également fourni un nombre significatif de réponses ; la majorité des Etats membres (19) avaient chacun fourni moins de 1 % des réponses. Dans ces conditions, la consultation apparaît peu représentative des opinions au sein de l’Union dans sa globalité, et il semble difficile de s’appuyer dessus pour justifier un changement de politique.

Le choix des Etats membres
C’est pourtant ce qu’a fait la Commission le 12 septembre 2018 dans sa proposition d’abolition du changement d’heure [1]. Toutefois, J.-C. Juncker a précisé qu’en application du principe de subsidiarité, les Etats membres devraient « décider eux-mêmes si leurs citoyens doivent vivre à l’heure d’été ou à l’heure d’hiver ». Alors que la politique européenne en la matière et, plus largement, les règles internationales adoptées en matière de date et d’heure depuis la convention de Washington – qui, en 1884, a adopté le méridien de Greenwich comme référence internationale (le fameux système GMT) – ont eu pour objectif une uniformisation des pratiques, voilà que la Commission propose de restaurer l’autonomie des Etats membres !

Concrètement, la Commission Juncker a rédigé une proposition de directive prévoyant que « chaque Etat membre devra, au plus tard en avril 2019, notifier à la Commission son intention d’appliquer de façon permanente l’heure d’été ou l’heure d’hiver. Le dernier passage obligatoire à l’heure d’été aura lieu le dimanche 31 mars 2019. Les Etats membres qui souhaitent revenir de façon permanente à l’heure d’hiver auront la possibilité de procéder à un dernier changement d’heure saisonnier le dimanche 27 octobre 2019. A compter de cette date, les changements d’heure saisonniers ne seront plus possibles ». Toutefois, la procédure d’adoption de la directive a été ralentie. Ce n’est que le 26 mars 2019 que le Parlement européen a approuvé la proposition amendée de la Commission.

A la mi-janvier 2020, le Conseil européen devrait encore se prononcer. Le calendrier envisagé est désormais d’un dernier changement en mars 2021 pour les pays qui resteront à l’heure d’été et en octobre 2021 pour ceux qui opteront pour l’heure dite standard. La directive proposée recommande désormais que chaque Etat membre fasse précéder sa décision d’études et de consultations qui prennent en compte les préférences des citoyens. Toutefois, le texte dit également qu’« afin d’assurer une mise en œuvre harmonisée de la présente directive, les Etats membres devraient coopérer entre eux et prendre des décisions concertées et coordonnées sur les délais envisagés » [2]. Entre respect de l’autonomie des Etats membres et concertation (devant être organisée, en outre, en dehors des institutions européennes… ), on a du mal à distinguer la voie privilégiée par les instances européennes.

Quelle heure est-il à Bruxelles ? Et à Paris ?
Si plusieurs inconnues persistent donc (dont la ligne, peut-être différente, que suivra la nouvelle Commission, présidée par Ursula von der Leyen), il est vraisemblable que l’on mette fin au changement d’heure dans toute l’Union européenne et que chaque Etat membre soit libre de déterminer s’il adoptera de façon permanente l’heure d’été ou s’il retournera définitivement à l’heure standard.

Alors qu’il était encore Premier ministre, Charles Michel a annoncé que la Belgique opterait pour une solution coordonnée au niveau du Benelux. Il a également annoncé l’organisation d’une consultation populaire dans ces trois pays pour déterminer l’heure définitive, sans que la forme en soit précisée. L’intention d’adopter une heure uniforme au sein du Benelux n’empêcherait pas un décalage horaire avec la France. En effet, il semble qu’une majorité de Belges opteraient pour l’heure d’hiver tandis que les Français préféreraient l’heure d’été [3].

Si la perspective d’avoir des pays membres de l’Union à des heures différentes déconcerte, il faut toutefois rappeler que de nombreux Etats s’étendent sur plusieurs fuseaux horaires, tels l’Australie, ou les Etats-Unis. A cet égard, le fait que des pays qui se trouvent géographiquement dans le même fuseau horaire tels le Royaume-Uni et l’Espagne adoptent une heure différente est également courant. L’adoption d’heures différentes entre pays limitrophes, tels la France et la Belgique, comprend toutefois de sérieux inconvénients, en particulier pour les frontaliers. Si bien que l’on peut s’interroger sur la pertinence du choix de ce dossier par l’Europe pour un exercice de démocratie qui se veut participative, et plus encore pour l’application du principe de la subsidiarité. L’Union, souvent accusée d’être rigide et technocratique, a choisi ici de montrer un visage à l’écoute de ses citoyens, et de rendre aux Etats membres leur autonomie dans un dossier qui, à défaut d’être d’une importance vitale démontrée, est en tout cas d’une grande visibilité et concerne chacun.

Le European Green Deal
ouvert à consultation

Quelle que soit notre opinion sur l’opportunité de mettre fin au changement d’heure, il semble que des arguments scientifiques et économiques devraient être convoqués en première ligne, ce qui ne paraît pas être le cas ici. L’abandon du changement d’heure est justifié principalement par la volonté des citoyens européens d’y mettre fin, une volonté dont la mesure ne semble pas avoir été prise avec la rigueur nécessaire.

Par ailleurs, d’autres dossiers mériteraient certainement une prise en compte plus nette des aspirations des citoyens européens. Leur avis est sollicité en permanence par la Commission européenne, tant à propos de nouvelles propositions de législation que de l’évaluation des dispositifs existants [4] Le succès de ces consultations dépend fortement de la mobilisation des lobbies éventuellement concernés par la problématique à l’examen. Signalons ici que le European Green Deal est ouvert à la consultation publique jusqu’au 12 mars 2020.

L’heure de la fin du changement d’heure a-t-elle sonné en Europe ? Optera-t-on pour la solution qui raccourcira nos soirées en été (une heure « d’hiver » permanente coucherait le soleil avant 21h, même le 21 juin) ou pour celle qui maintiendra nos matinées dans l’obscurité en hiver (une heure « d’été » permanente ferait se lever le soleil seulement vers 9h30 en décembre) ? En tout cas, il est peu probable que ce 29 mars marque « la der des der » en matière de changement d’heure.

[1Commission européenne, communiqué de presse, 12 septembre 2018.

[2European Parliament legislative resolution of 26 March 2019 on the proposal for a directive of the European Parliament and of the Council discontinuing seasonal changes of time and repealing Directive 2000/84/EC (COM(2018)0639 – C8- 0408/2018 – 2018/0332(COD)).

[3« Changement d’heure : bientôt un décalage horaire entre la Belgique et la France ? », rtbf.be, 26 octobre 2019.

[4ec.europa.eu/info/consultations_fr.

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