Publié dans notre magazine n°138 - mars & avril 2020
Rencontre
Journaliste exilé en Belgique depuis 2010, Ali Mazrooei, âgé de 63 ans, ignore s’il pourra rentrer en Iran. Tous les journaux pour lesquels il a travaillé ont dû mettre la clé sous la porte. Le web est désormais son seul outil de travail et l’étude de l’histoire moderne iranienne, son passe-temps. Mais le prix à payer pour informer librement est lourd et douloureux. Rencontre.
Sarah Freres
Ali Mazrooei est un homme profondément amoureux de son pays, l’Iran, qu’il ne reverra peut-être jamais. Exilé en Belgique depuis 2010, il habite dans un petit appartement qui baigne dans la culture perse. La décoration, les sucreries, les tapis, les livres, les photos qui inondent son salon témoignent d’une séparation douloureuse. « Quand je suis arrivé en Belgique, je pensais rester deux ou trois ans. Pas dix. Mon exil, c’est sûrement Dieu qui l’a écrit. Ça devait se passer comme ça. C’est la vie. »
Il prévient : pour celui qui n’est pas familier du contexte iranien, son histoire est complexe à appréhender. Elle est le fruit d’une série d’événements politiques, d’idéologies qui s’entretuent. « Le monde décrit souvent l’Iran de manière diabolique, sans nuances, en opposition avec les autres civilisations. Mais bon. (Il réfléchit et se frotte le crâne). Buvez votre thé, il va être froid. »
Originaire d’Ispahan, Ali Mazrooei sort de l’université avec un bachelier en économie. Dès 1991, il travaille pour le très influent mais éphémère Salam, journal proche de la Ligue des clercs militants, un parti politique réformiste. Ali Mazrooei y couvre l’actualité politique et économique. « On appelait cette période ‘‘le printemps de la presse’’. Notre journal était très populaire et l’un des quotidiens les plus lus. On traitait des sujets dont on osait à peine parler quelques années plus tôt », sourit-il. Dans le même temps, l’Association des journalistes iraniens est créée et Ali Mazrooei en devient le directeur.
A l’aube de l’an 2000, le rapport entre les différentes forces du pays évolue. La presse, qui s’était rapidement développée après l’élection de l’ancien directeur de la Bibliothèque nationale, Mohammad Khatami – « un réformiste, comme moi » –, est prise en étau entre des luttes de pouvoirs. « L’atmosphère a changé. Les législatives étaient cruciales pour les conservateurs qui s’étaient fait laminer lors des élections municipales. Peu avant le scrutin, en 2000, on a publié une note d’un ancien agent des renseignements, dans laquelle les autorités étaient appelées à renforcer les restrictions imposées à la presse. Salam a été quasi immédiatement fermé. » La répression qui suivra est considérable, surtout pour (...)
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